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Quel est le point commun entre la blockchain Ethereum, l’artiste contemporain Damien Hirst et la maison de ventes aux enchères Christie’s ? La réponse tient dans l’acronyme très médiatisé « NFT », pour Non Fungible Token. Kleber Advisory revient sur cette nouveauté de la finance digitale dont la popularité dépasse désormais le cercle des initiés aux crypto-monnaies.

 

Vous avez dit NFT ?

 

Les mouvements vertigineux du cours du Bitcoin font régulièrement la une des publications généralistes et financières. Nos lecteurs sont désormais familiers des devises digitales, des obligations digitales et des concepts de la blockchain.

Les NFT, ou jetons non fongibles, s’insèrent dans cet écosystème digital. Concrètement, il s’agit d’un titre de propriété numérique unique enregistré sur une infrastructure digitale décentralisée, la blockchain.

Dans l’univers digital, il s’agit de l’équivalent d’un acte authentique pour une transaction immobilière. Le Bitcoin tiendrait alors le rôle des euros payés en contrepartie du titre de propriété. Comme dans le cas de l’immobilier, le NFT n’est pas le bien lui-même mais plutôt un certificat attestant de sa détention.

Les NFT sont une solution pratique à la question de la propriété numérique sur internet. La duplication de l’objet numérique reste possible, mais son propriétaire ne peut plus en être dépossédé. Il conserve notamment le droit de le revendre.

D’un point de vue technique, les NFT s’appuient sur la technologie des smart contracts, codes informatiques stockés dans la blockchain et exécutables lors d’une transaction.

 

Le marché de l’art découvre la Blockchain

 

Les NFT se sont révélés au grand public par un marché connu pour la discrétion de ses opérations : l’art contemporain. Depuis 2020, plusieurs artistes célèbres ou anonymes ont souhaité commercialiser leurs œuvres – en général, numériques – par ce biais.

Fin 2020, la célèbre maison Christie’s réalisait sa première vente de NFT. En un an, elle a cumulé plus de 100M USD de vente. Selon JP Morgan, le marché des ventes de NFT atteindrait 7Mds USD en 2021. Plusieurs ventes phare dont la collection « The Currency » par Damien Hirst ont permis d’atteindre ces chiffres. Certaines collections en vue peuvent surprendre. On peut notamment citer les CryptoPunks, 10,000 images pixellisées de personnages rappelant plus les débuts des consoles de jeu que les salles de la Tate Modern ou du MoMA.

Derrière ces anecdotes se cache une réalité très pragmatique : la lutte contre le vol et la contrefaçon. Le marché de l’art et plus généralement des objets uniques à haute valeur unitaire peine à lutter contre les « faux » et le recel. L’intérêt soudain d’institutions comme Christie’s pour la technologie décentralisée va donc bien au-delà des chiffres de vente à court terme. Dans l’univers du luxe, le projet Arianee s’appuie sur les NFT pour proposer des « doubles numériques » sécurisant les objets de valeur. LVMH, Prada et Cartier, concurrents directs sur le marché du luxe, s’associent pour leur part autour du projet de blockchain Aura pour les mêmes raisons – sans utiliser l’approche NFT.

 

Propriété, droits d’auteur… La traçabilité au coeur du dispositif

 

La blockchain propose une combinaison de traçabilité et d’anonymat séduisante face au problème de la propriété dans l’ère numérique.

Dans le cas des NFT pour le marché de l’art, l’artiste signe électroniquement sa création digitale. Un titre de propriété est alors créé et enregistré sur la blockchain. Lors de la vente de l’œuvre, le titre est transféré à son nouveau propriétaire. Ce dernier est également identifié au travers de son portefeuille digital, sans pour autant dévoiler son identité. Par ce mécanisme, la propriété d’une œuvre et son authenticité peuvent être prouvées à tout moment.

Les smart contracts permettent également d’inclure des flux de paiements complexes dans les transactions. Par exemple, le NFT peut inclure un « fee » payé automatiquement au créateur de l’œuvre à chaque revente de son œuvre.

Autre intérêt, ces solutions technologiques s’adaptent sur des infrastructures décentralisées existantes. Si le projet Aura utilise une blockchain privée, la plupart des solutions NFT sont développées sur Ethereum ou Solana accessibles à tous les validateurs.

 

NFT, une nouvelle étape vers la finance décentralisée ?

 

Le prix des œuvres numériques certifiées par NFT resteront peut-être un symbole d’exubérance financière comme les SPAC, autre acronyme star des marchés en 2021. Cependant, au-delà des montants record, la déclinaison financière d’un internet décentralisé ou Web 3.0 prend lentement forme autour du contrôle des données et des échanges sans tiers de confiance.

Dans cette optique, la possibilité de vendre des titres de propriétés de gré à gré sans risque sur leur authenticité ouvre de nombreuses perspectives. Signe des enjeux d’adaptation au règles en vigueur, elle met également à jour de nouvelles interrogations sur la propriété intellectuelle et la protection des données.

Denis Pantel

Partner