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La transition des benchmarks de taux d’intérêt bouleverse les pratiques, y compris dans le domaine des méthodes de calcul. Deux natures de changement sont à distinguer:

Ajustements de méthodologie : impact limité

Certains indices évoluent dans leurs règles de calcul. Evolution principale : plutôt que la moyenne des contributions d’un groupe restreint de banques, les indices compilent désormais un maximum de données observées issues d’un panel élargi d’acteurs pour limiter tout risque de manipulation. C’est le cas de la transition de l’EONIA vers l’ESTER (ou €STR) ou de la réforme de l’Euribor vers une approche « hybride ». Ce type de changements, prévalant dans l’Eurozone, modifie finalement assez peu le quotidien des utilisateurs de taux benchmark. On notera toutefois certains décalages dans les délais de publication, comme par exemple l’ESTER qui sera connu en j+1 contrairement à l’EONIA connu le soir même.

Changements conceptuels : impact en profondeur

Plus transformants que les évolutions méthodologiques, ces changements remettent en cause la nature même des indices de référence affectés. C’est le cas des Libor (USD, GBP, JPY,…) qui seront remplacés par des taux sans risque overnight.

Alors qu’un Libor 3 mois permettait de connaitre avec certitude le taux applicable sur les 3 mois à venir, son taux de remplacement overnight, devra être capitalisé sur la même période. Conséquence directe : il faudra attendre la fin des 3 mois pour connaitre le taux applicable. C’est la révolution « ex post ».

Dans le cas du Libor USD par exemple on obtient la transformation suivante:

Les conséquences sur les transactions en vie

Dans le cas de l’Euribor, la transition est simple et change peu le quotidien, les modifications de calcul de l’indice restant finalement assez transparentes pour les utilisateurs. Les délais de publications, conventions d’utilisation des taux et les process afférents restent quant à eux inchangés.

Pour les Libor qui subissent un changement de nature, la situation est plus complexe, notamment pour les transactions en vie. Il s’agira en effet d’en amender les échéanciers pour prendre en compte un fallback rate en lieu et place du Libor. Ce fallback rate se compose lui-même de plusieurs éléments :

  • Un taux overnight capitalisé, ou adjusted risk free rate (« ARR »)
  • Un Spread d’ajustement que nous détaillons plus bas dans l’article

Bloomberg a été mandaté par l’ISDA en tant qu’agent de calcul de ces fallback rates et a publié plusieurs notes techniques à ce sujet dont nous vous recommandons la lecture.

En résumé : taux de remplacement = taux sans risque overnight capitalisé + ajustement.

Ou en langage officiel : Fallback rate = ARR + Spread

La problématique du spread

Retour sur la question du spread au sujet duquel plusieurs trésoriers nous ont interrogés.

Le principe de base est simple. Les taux sans risque étant différents des IBOR auxquels ils succèdent, leur niveau absolu, même après capitalisation, n’est pas similaire. En particulier en période de forte tension – crise bancaire de 2008, de la zone Euro en 2011/2012 – nous avons observé une prime de risque non négligeable entre des taux overnight et des taux de maturités supérieures. L’objectif du spread est de compenser ces différences structurelles entre deux indices pour les rendre équivalents.

La méthode de calcul retenue reste accessible… Le spread pour une date donnée est la valeur médiane de l’écart historique constaté entre l’IBOR à remplacer et le taux sans risque capitalisé équivalent sur une période de 5 ans.

D’un point de vue pratique, fallback rates, adjusted risk free rates et spreads sont tous disponibles sur les écrans Bloomberg. Une précision importante : la valeur des spreads sera fixée à l’issue de la période de transition. Cette dernière se tiendra au plus tôt à l’annonce de la disparition d’un indice ou à l’arrêt effectif de sa publication.

Calendriers de calcul et date de constatation des taux : le diable est dans les détails

Avec les Libor, le taux applicable se constatait en début de période. Selon les devises, la constatation se faisait 2 jours ouvrés en avance ou le jour même.

Pour les fallback rates, la période d’observation correspond bien à la maturité de l’IBOR à remplacer. En revanche, selon les devises ou les calendriers, cette période peut se décaler par rapport à celle de l’IBOR. En effet, pour déterminer la première date d’observation, la méthodologie consiste :

  • A appliquer la convention spot à la date d’observation de l’IBOR correspondant. Par exemple J+2 pour l’USD
  • A retrancher 2 jours ouvrés à cette dernière date

Selon les cas et les conventions de marché, il est donc possible d’obtenir un fallback rate qui compile des données sur une période décalée d’un, voire deux jours, par rapport à la période de l’IBOR qu’il remplace.

Une somme de détails ? L’historique récent du taux SOFR durant le « squeeze » de septembre 2019 sur le marché du repo US illustre l’impact potentiel d’un décalage même minime dans un échéancier de calcul. La vigilance est donc de rigueur.

 

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Denis Pantel

Partner